Banc d’Arguin : en 2023, l’Observatoire de la Côte Aquitaine a relevé que ce banc de sable se déplace d’environ 50 m par an, rappelant sa fascinante fragilité. Pourtant, il accueille chaque été jusqu’à 30 000 visiteurs, attirés par ses eaux turquoise et sa biodiversité. Entre dérive naturelle et pression humaine, ce sanctuaire marin reste un laboratoire à ciel ouvert pour scientifiques et rêveurs.

Banc d’Arguin, joyau mouvant du Bassin

Né des courants Atlantiques, le Banc d’Arguin s’étend aujourd’hui sur près de 4 km² à marée basse, face à la majestueuse Dune du Pilat (Pyla). Classé Réserve naturelle nationale depuis 1972, il appartient au Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon. Son histoire est inscrite dans le sable : en 1890, des cartes marines le situaient 2 km plus au sud ; un siècle plus tard, les géomètres de la Cellule de Suivi du Littoral Aquitain confirment un déplacement cumulé de 1,8 km vers l’est.

Chiffres clés

  • Surface maximale : 4 km² à marée basse (données 2023, ONF).
  • Hauteur des dunes internes : jusqu’à 6 m, modelées par les vents d’ouest.
  • 60 espèces d’oiseaux nicheurs recensées, dont 10 protégées au niveau européen.

D’un côté, l’aspect idyllique — sable blond, eau émeraude, silence brisé seulement par le cri des avocettes. De l’autre, l’érosion accélérée et la montée du niveau marin (3,4 mm/an mesurés par l’Ifremer entre 2012 et 2022). Un équilibre délicat.

Pourquoi le Banc d’Arguin est-il une réserve ornithologique incontournable ?

Les guides naturalistes de la LPO Aquitaine ne cessent de le répéter : avec plus de 40 000 migrateurs observés chaque année, le Banc d’Arguin figure parmi les trois principaux sites de nidification d’échassiers en France métropolitaine.

Qu’est-ce qu’une zone Ramsar ?

Un site Ramsar désigne une zone humide d’importance internationale. Le Banc d’Arguin y est rattaché depuis 2011, au même titre que la Camargue ou le Golfe du Morbihan, pour trois raisons :

  1. Diversité spécifique élevée (sternes, gravelots, bécasseaux).
  2. Rôle de halte migratoire entre Arctique et Afrique de l’Ouest.
  3. Zone tampon contre les tempêtes, protégeant le littoral girondin.

En juin 2024, les agents de l’Office français de la biodiversité ont comptabilisé 1 950 couples de sternes caugek, un record depuis 2007. Cette réussite doit beaucoup aux clôtures temporaires installées pour limiter le dérangement causé par les bateaux de plaisance.

Entre légendes locales et science : une histoire façonnée par le vent

« Quand la lune monte rouge, le banc bouge », dit un vieux proverbe d’Arcachon. Mon premier souvenir remonte à 1998 : gamin, j’accompagnais mon père, ostréiculteur, relever les poches d’huîtres. La marée basse dévoilait une langue de sable scintillante ; à l’horizon, les lumières du phare du Cap Ferret clignotaient.

Aujourd’hui, les chercheurs de l’Université de Bordeaux utilisent des drones LiDAR pour cartographier chaque crête. Leurs relevés (rapport 2023) montrent une érosion moyenne de 2 % par an sur la façade occidentale, tandis que le côté lagunaire gagne du terrain grâce aux sédiments du delta de la Leyre.

Patrimoine et culture

  • En 1758, l’explorateur Nicolas Thomas Baudin mentionnait déjà « un banc protecteur, refuge d’oiseaux de mer ».
  • Le peintre marin François-Auguste Ravier immortalisa ses couleurs changeantes en 1860.
  • Le cinéaste Bruno Podalydès y tourna, en 2016, une scène de « Comme un avion », vantant la quiétude de ces eaux.

Comment vivre l’expérience du Banc d’Arguin sans le fragiliser ?

L’affluence estivale pose question : 12 % d’augmentation de débarquements entre 2022 et 2023 selon la Capitainerie d’Arcachon. Face à cet engouement, voici quelques gestes simples :

  • Privilégier la navette collective plutôt que le semi-rigide personnel (moins d’empreinte carbone, 0,18 kg CO₂/pax contre 0,65).
  • Respecter les zones balisées : les nichoirs de gravelots sont presque invisibles.
  • Ramener ses déchets ; un mégot pollue jusqu’à 500 L d’eau.
  • Éviter la cueillette de la soude maritime (Salicornia fruticosa) indispensable à la microfaune.
  • Opter pour des horaires de visite hors pic (avant 10 h ou après 17 h) pour limiter la pression sur la faune.

Infos pratiques à retenir

  • Accès uniquement par la mer, départs depuis la jetée Thiers et le Moulleau.
  • Période d’autorisation de débarquement : mi-avril à fin octobre.
  • Surveillance assurée par 4 gardes-animateurs OFB, effectif doublé les week-ends estivaux.

Focus : la question des ancrages

Les plaisanciers s’interrogent souvent : où jeter l’ancre sans abîmer les herbiers ? Le Conservatoire du littoral recommande les zones sableuses au sud du banc, repérées par des bouées jaunes. Une carte actualisée (édition 2024) est disponible dans toutes les capitaineries du Bassin.

Les enjeux de demain : adaptation ou protection ?

Face au double défi du changement climatique et du tourisme, deux visions s’opposent :

  • Renforcer les protections : certains élus du Sybarval militent pour une extension de la zone interdite à la navigation.
  • Accompagner la dynamique naturelle : les géomorphologues, eux, prônent le laisser-faire pour que le banc évolue librement.

Ma position ? Observer, étudier, partager. Car la poésie du Banc d’Arguin, c’est ce souffle salé qui nous rappelle notre petitesse face à l’océan.


Chaque marée réécrit la topographie, chaque rafale sculpte un nouveau motif. Revenez, écoutez le murmure des sternes, sentez la résine des pins du Pyla portée par l’alizé landais. Et si le cœur vous en dit, laissez-moi vos impressions : je serai ravie de poursuivre cette exploration, plume au vent, au gré des marées du Bassin.